
Nous avons vu en quoi consiste la photogrammétrie et comment former des nuages de points issues de nombreuses photos, à l’aide de Structure From Motion, la technologie appliquée. Mais comment fait on les photos? Avec un drone généralement. Il est possible de le faire avec un appareil photo ou son smartphone mais, pour des objets de plus petite taille (statues, façades,…) car les toitures sont inaccessibles depuis le sol.
Toutes ces images vont être soumise à une identification de multiples points de l’image elle même et va chercher ces même points dans les autres images (précédentes et suivantes). Ces points communs sont ceux qui vont faire que la structure ne fasse qu’une, face aux multiples images, le volume. Je m’explique. La photo seule n’a aucun sens et le logiciel ne sait pas où la placer, sinon la position de l’appareil photo/drone (point GPS drone). La juxtaposition d’un même point depuis plusieurs angles différents, permet de le situer dans l’espace (triangulation GPS, navigation). Et peu à peu, en superposant les nombreux points résultants, le volume prend forme. Il est donc impératif d’activer le GPS et obtenir une position fiable avant de commencer à prendre les photos. En principe, on attend de l’obtenir au sol (point de décollage) afin d’avoir une position de référence au sol. Il existe des cibles aux motifs particuliers (damiers, diane,…) à poser au sol et à localiser dans l’espace afin d’obtenir des points de contrôle au sol.


Les pros utilisent des balises GPS RTK qui sont très précises et permettent de travailler de façon coordonnée entre position du drone et le point de référence (balise). Ces balises peuvent être au sol comme celles des géomètres que nous avons parfois occasion de voir au bord des routes et nos campagnes, ou bien embarquées à bord du drone, ce qui simplifie grandement la mise en place.
Avec tout cela, nous pouvons former un volume et l’habiller avec les photos prises. En ce qui me concerne, pas de RTK, ma balise est une cible de tir à l’arc en plastique pour enfant (flèches ventouse décathlon) sur laquelle je fais mon positionnement GPS de référence (point de décollage), et le journal de vol comme point de contrôle supplémentaire lorsque des problèmes en post production/studio surgissent. Je ne trouve pas que ce soit de grande aide mais, je ne suis pas non plus un spécialiste en la matière. J’apprends de mes erreurs qui en général se réduisent à: il manque une photo.

Oui, parfois le logiciel travaille et vous donne comme résultats, deux pièces (composants) au lieu d’une seule (le monument). Il manque tout simplement une photo qui fait relation entre les deux composants. Des points communs qui permettent la succession du mur et fusion des deux composants. Il est donc important que les photos se chevauchent généreusement. Que l’exposition de l’image soit homogène, ni trop lumineux, ni trop sombre. Le temps idéal est un ciel couvert et une luminosité plus ou moins diffuse. Le soleil en contraste aux ombres portées, sont un contraste bien trop grand pour la photogrammétrie. Personnellement, et faute de nombreux jours nuageux dans notre région, je travaille à la lumière du jour avant que le soleil ne sorte, à l’aurore. Ce qui me permet d’avoir des images plus ou moins homogène en lumière. Mais il faut tout calculer en amont car le soleil monte vite au dessus de la ligne d’horizon et la lumière change très vite à ces heures là.

Une fois prêt, le vol peut commencer. Pour la capture d’un monument, je travaille en deux étapes. La première, capture du volume, consiste à tourner autour du monument à une distance et altitude relativement éloignées pour capturer les formes générales et les cibles si il y en a. Je cale la vitesse latérale de mon drone à 3 km/h et 1 photos toutes les 5 secondes. Puis commence la danse nuptiale autour de l’édifice. J’obtiens en général entre 100 et 200 photos de ce passage selon la taille de l’objet. Puis vient la deuxième partie que je ne fais pas forcément car les rendus deviennent conséquemment lourds à publier, les détails pour les textures.
Les photos précédemment capturées ont la peau de la nef mais, de loin. Et par conséquent, lorsque nous nous approcherons de la pièces 3D, le détail de la pierre sera floue. Il faut alors faire de nombreux passage sur chaque façade pour photographier les textures tout en chevauchant généreusement les images comme expliqué auparavant, et pour la même raison. Ce passage là est long et méticuleux. Mettant parfois en péril le drone. Sur de gros volume comme l’Abbaye de Saint Martin du Canigou, certaines façades seront mises en valeurs au détriment d’autres. Dans mon cas, qui fait çà par passion et pour la carte, je décide moi même si oui ou non il y aura un second passage. Les intérieurs sont bien plus compliqués à réaliser dû à l’absence de lumière. Les photos ne suffisent pas. Dans ce cas précis elle ne peuvent que faire de la texturation. Faute de lumière je n’obtiens aucun volume. Et c’est là que l’appui de la technologie LIDAR prend tout son sens. Pas besoin de lumière pour obtenir un nuage de point. Le LIDAR émet de très fins faisceaux lumineux capable de traverser la canopée et vous faire un rendu du sol et de la forêt par exemple. Un passage LIDAR permettrait d’obtenir le volume intérieur et avec un peu de chances, les photos comme textures. Je dis bien un peu de chance car n’ayant pas de radar LIDAR, je n’ai jamais atteint cette étape et je n’ai aucune idée si les photos serviraient ou pas. Ceci dit, et dans la logique, c’est possible. De plus, bien souvent les intérieurs sont inaccessibles ou bien il s’agit de lieux ouverts au publique et les sujets/objets mobiles sont le pire ennemi de la photogrammétrie.
Une photogrammétrie a pour but de pouvoir voir évoluer la structure d’un édifice au fil du temps et des restaurations. Les inspections de bâtiment qui s’ensuivront compareront leurs clichés à ceux de la photogrammétries et ainsi, suivre de près l’évolution d’une partie sensible de l’ensemble. Ces inspections ne se limitent pas qu’aux monuments historiques. Ponts, structures métalliques de grandes proportions, chantiers, etc… sont assujettis à elles. Nous en reparlerons dans un autre article.

En gros, il n’y a pas vraiment besoin d’avoir un matériel conséquent, les logiciels existent en open source et personnellement, je vous conseille Reality Capture. Un outil simple et puissant qui permet de modéliser sans connaissance ni expérience. Un simple clic et tout se met en route pour vous, et pour un résultat plus que satisfaisant. Et j’irais même jusqu’à dire, agilement, face à d’autres applications/logiciels. Ceci dit, il faut un bon ordinateur équipé d’une carte N’vidia et installer la technologie CUDA. En fait, là est le plus compliqué à mes yeux. Les logiciels sont gourmands en ressources, 16Go et amd7 ou i7 min. On vous dira 8 Go min suffisent. Oui certes, mais avec un tabouret ou une chaise longue. Certains rendus peuvent durer 14h comme il m’est déjà arrivé une fois. En plus pour un résultat nul. 16Go permettent à l’ordinateur de lire et travailler les images en 4K sans forcer la machine. Avec 8GO et pour rester plus ou moins agile, il faut travailler les photos en 12 millions de pixel.
Voilà, je vous ai tout dit sur comment s’y prendre pour capturer un monument. Vous n’avez dorénavant plus d’excuses si vous êtes propriétaire d’un drone. Consultez la carte et voyez ce qui n’y est pas, et…
à bientôt.